Façade de l'hôtel de Ville, une réalisation de prestige au 19e, une restauration exemplaire au 21e...
Très dégradée, la façade de l’hôtel de Ville était en restauration depuis septembre 2019. Certaines pierres ont été remplacées ou régénérées tandis que les sculptures les plus abîmées ont été refaites. Les maçons, tailleurs de pierre et sculpteurs viennent d’achever leur travail et chacun peut maintenant la redécouvrir et admirer plus particulièrement, la très riche ornementation souhaitée au 19e par l’architecte municipal Charles Joly-Leterme.
L'imposant bastion fortifié attenant à l'hôtel de Ville fut reconstruit à la fin du 15e siècle pour abriter le premier corps de ville de Saumur, une équipe municipale de 12 membres élue par les habitants pour "traiter les communes affaires".
Mais au fil des siècles, le bastion est devenu trop petit pour abriter tout à la fois la salle du conseil, les employés municipaux et le tribunal et accueillir les nécessiteux et les soldats de passage.
La question se pose alors d'un éventuel déménagement au château ou à l'hôtel Blancler place de la Bilange, mais, en 1844, le nouveau maire de Saumur, Charles Louvet tranche en faveur d'une extension de l'hôtel de Ville qui abritera la nouvelle salle des mariages et son bureau. Il prévoit également d'y installer le musée de la Ville et la bibliothèque municipale.
Il confie alors le projet à l'architecte municipal Charles Joly-Leterme qui propose d'édifier le nouveau bâtiment face à la Loire dans la continuité du bastion, en léger retrait toutefois de manière à sauvegarder la tourelle d'angle et atténuer le contraste entre les deux bâtiments.
Dès 1862, l'extension est pratiquement achevée. Reprenant le principe des modénatures caractéristiques de la première Renaissance française encore visibles sur la façade du bastion coté cour, Charles Joly-Leterme aligne les ouvertures dans un grand souci de symétrie renforcé par le jeu de lignes verticales et horizontales formé par les colonnettes et les bandeaux.
Surtout, il orne la façade d'un foisonnant décor inspiré du répertoire gothique de la fin du Moyen Age : accolades, gâbles, pinacles, fleurons, choux et pampres, remplages ajourés. Les chapiteaux et culots s'ornent de fleurettes, rosaces, figurines, saynètes où se glissent de facétieux personnages inspirés de l'imagerie médiévale, principalement des singes, des chouettes et des dragons.
Seules les statues de saint Louis et d'Henri IV qui devaient orner les niches de la lucarne tout en haut de la façade manquèrent à l'appel si l'on en croit les informations délivrées par l'historien Joseph-Henri Denécheau dans son site Saumur-Jadis.
Très dégradé par les intempéries et la pollution, cet extraordinaire bestiaire avait quasiment disparu. Il renaît aujourd'hui, fidèlement restitué grâce au talent et au travail patient, exigent et minutieux accompli par les sculpteurs qui se sont succédé au chevet de la façade depuis 2019.
A leurs côtés, maçons, tailleurs de pierre, menuisiers, couvreurs, zingueurs et charpentiers ont également œuvré pour nettoyer, régénérer ou remplacer les pierres, restaurer les chimères décorant les gargouilles et rénover les menuiseries.
Les recherches effectuées sur les boiseries des fenêtres ont indiqué qu'elles avaient pu être peintes en rouge à plusieurs époques. Le rouge vermillon choisi en 2021 s'inscrit ainsi dans continuité historique de cet héritage.
Enfin, l'horloger spécialiste des horloges anciennes a refait à l'identique le cadran en verre peint et restauré le mécanisme, les aiguilles et la minuterie.
Si, en 1862, les avis ont pu diverger sur cette réalisation de prestige, certains estimant sa forme de beffroi incongrue sur les bords de Loire, gageons aujourd'hui que cette restauration exemplaire fera l'unanimité.
Venez découvrir dès maintenant cette magnifique restauration et cet été une exposition qui lui sera consacrée dans la cour d’honneur.